top of page
Rechercher

L'intelligence collective avec le forum ouvert

Dernière mise à jour : 12 janv. 2022

Le forum ouvert (ou open space) est une méthode d’animation de débats pour des groupes de plusieurs dizaines à plus de 1000 participants, qui ouvre vers une transformation de l’organisation.


En effet, elle consiste à réunir en un temps fort collectif (forum) un groupe de personnes sur une problématique ou un thème central à fort enjeu et qui les implique. Le groupe est invité à proposer tous les thèmes de travail, reliés à ce thème central, qui lui paraissent importants, et qu’il va discuter, analyser, enrichir pour aboutir à des propositions et à des plans d’action, à mettre en œuvre après l’évènement.


Ainsi, le forum lui-même peut être en quelque sorte comparé à un big bang collectif[1], dont les effets sont la transformation de l’organisation par les changements dans les comportements et les relations qu’elle fait vivre aux participants, et par les plans d’action qui vont impacter concrètement l’organisation après l’évènement.


Imaginé aux États-Unis dans les années quatre-vingts[2], le forum ouvert a été pratiqué dans de nombreux pays, avec toutefois une prédilection pour les pays de culture anglo-saxonne.


En France, sa diffusion est réelle mais lente, compte tenu encore de certaines réticences culturelles et managériales – particulièrement dans les organisations très hiérarchisées – comme la crainte de la perte de contrôle et de la dilution de son autorité, ainsi que la peur des remises en cause.


Contextes de mise en œuvre


L’open space est approprié au traitement de questions complexes[3], dont la résolution ne peut être le seul fait de cercles restreints (quels qu’ils soient : managers, experts…), et nécessite une prise de distance par rapport aux pratiques, aux solutions, aux processus habituels d’une organisation. Il s’appuie sur un collectif dont la diversité des horizons et des points de vue permet d’aborder ces questions sous différents angles, et de faire émerger des propositions nouvelles couvrant un certain spectre.


La méthode est particulièrement adaptée lorsqu’il s’agit de mobiliser rapidement et concrètement l’énergie et l’intelligence de groupes dont les perceptions, les analyses et les propositions vont aboutir à des plans d’action.


En misant sur la diversité du groupe (des métiers, des directions, des niveaux hiérarchiques, des origines géographiques…) et ses aptitudes créatives, la méthode peut également s’intégrer dans un processus d’innovation pour générer ou enrichir des pistes nouvelles, et ouvrir les champs de la réflexion.


L’open space peut enfin prendre place dans des démarches de concertation au sein desquelles il va constituer un temps d’échanges peu formalisés, mais productifs, et permettant de faire converger vers des solutions ou des initiatives communes.


Principes


L’open space repose sur le respect d'une « loi », étayée par quatre principes.


La loi des deux pieds :


Cette loi dispose que si le participant n’est en train ni d’apprendre, ni de contribuer, qu’il passe à autre chose !


Par cette loi, chaque participant et le groupe tout entier sont rendus responsables de la qualité de leur travail. Selon cette loi, seul le participant sait sur quels thèmes il peut apprendre le plus et à quels thèmes il peut le mieux contribuer. Il va donc faire usage de ses deux pieds pour aller vers tel ou tel atelier thématique, repérés consciemment ou intuitivement selon ces deux critères. S’il pense, à un moment ou à un autre, qu’il n’y apprend plus rien ou qu’il ne contribue plus aux réflexions qui y sont menées, il a le droit, et même le devoir, de ne pas perdre son temps, ce qui le conduit à se déplacer, pour trouver un autre atelier, mais tout aussi bien pour couper un instant avec le forum avant de mieux y revenir (discuter avec un collègue, se restaurer, prendre un café, passer un appel téléphonique…).

.

Les quatre principes :


1. Les personnes qui se présentent sont les bonnes


Ce principe pose que la solution aux problèmes vient de ceux qui sont prêts à se mobiliser et à discuter. Tout ce qui est produit l’est avec les personnes présentes, ou ne l’est pas. L’absence de personnes au forum, tout aussi compétentes soient-elles, ne peut être invoquée comme une limitation aux débats et à la recherche de solutions.


Au-delà de la nécessité de se concentrer sur les personnes présentes, ce principe est aussi très important pour comprendre la dynamique du groupe réuni en forum : en effet, « si un groupe est fortement impliqué dans le problème en question et enthousiasmé par les perspectives [qu’il soulève], cette implication et cet enthousiasme sont contagieux et d'autres rejoindront bientôt le groupe. Même si l'expertise technique présente n’est pas de premier ordre, un groupe engagé trouvera l'expertise dont il a besoin » (Owen, 2008)[4].


2. Ce qui arrive est la seule chose qui pouvait arriver


Ce principe illustre l’esprit de découverte auquel la méthode invite les participants. Au début du forum, personne ne connaît la solution, et le groupe a entière liberté pour aborder le thème central, en proposant autant de thèmes de travail ou d’ateliers qu’il le souhaite, et en accueillant tout ce qui surgit.


C’est aussi pour le groupe éviter de s’attarder sur les « on aurait dû... », « il aurait fallu… », qui, dans la dynamique du groupe, agissent comme des pensées limitantes dévalorisant sa contribution et le détournant de l’objet même de qu’il faut traiter. Par ce principe, le groupe se concentre sur la réalité de ce qui arrive hic et nunc, de ce qui fonctionne, et de ce qui est possible.


3. Ça commence, quand ça commence


Ce principe est à entendre de deux façons. Tout d’abord, il indique que la créativité se plie rarement à un horaire particulier ; les échanges commencent quand les participants le souhaitent ; ensuite, ce principe invite les participants, pendant qu’ils contribuent à tel ou tel thème de travail, à garder l’œil ouvert sur les idées et les points de vue nouveaux qui peuvent surgir à tout moment.


4. Quand c’est fini, c’est fini


Ce principe indique qu’on ne connaît jamais le temps nécessaire au traitement de toutes les facettes d’une question, et qu’il est plus important de faire le travail que de s’en tenir coûte que coûte à un horaire[5]...


Déroulement et modalités pratiques


On peut citer sept règles principales que se donne l’open space :

  • Le rassemblement en cercle ;

  • La mise initiale ;

  • L’implication des porteurs de thèmes ;

  • Le mur d’affichage ;

  • Le marché aux idées ;

  • Le centre d’information ;

  • La moisson finale : les plans d’action, et les groupes de suivi.

1. Le rassemblement en cercle : dans une grande salle pouvant contenir tous les participants, les chaises sont disposées en cercle ; chacun des participants prend place.

2. La mise initiale : il n’y a pas de discours en plénière, mais un mot d’introduction par ceux qui sont à l’origine du forum, ainsi que l’énoncé du thème central et une présentation de la méthode par les animateurs.

3. L’implication des porteurs de thèmes : les participants proposent des thèmes de travail, relatifs au thème central, en levant la main. Ils viennent au milieu du cercle annoncer le sujet sur lequel ils souhaitent travailler. Le porteur de thèmes n’est pas nécessairement un spécialiste du sujet mais celui-ci doit lui tenir à cœur.

4. Le mur d’affichage : les porteurs de thèmes inscrivent leur sujet et leur nom sur une feuille et vont l’afficher sur le mur de la pièce prévu à cet effet.

5. Le marché aux idées :

Quand tous les thèmes sont affichés, les participants se lèvent et inscrivent leur nom sur la ou les feuilles portant le ou les thèmes sur lesquels ils souhaitent travailler.

Des salles ou des espaces sont assignés à chaque atelier, que les participants regagnent. Généralement, l’atelier est animé par le porteur du thème, et se donne un ou plusieurs secrétaires choisis parmi les participants, retranscrivant le compte rendu du groupe. Les ateliers ne sont pas modérés par les animateurs du forum.

6. Le centre d’information :

Au terme de son atelier, chaque porteur en met en forme le compte rendu et le fait saisir informatiquement par le centre d’information, qui dispose des ordinateurs nécessaires. Chaque rapport est ensuite affiché sur le mur situé en face du mur d’affichage des thèmes.

7. La moisson finale – les plans d’action et les groupes de suivi :

Chaque participant dispose du recueil des compte rendus de tous les ateliers qui se sont tenus, ainsi que de la liste des personnes qui y ont contribué.

Après consultation du rapport, chaque participant vote pour les thèmes qu’il juge prioritaires, par exemple en répartissant un nombre défini de gommettes sur les thèmes de leur choix. Le nombre de thèmes prioritaires est fixé selon le choix des initiateurs du forum et les objectifs que se donne le groupe.

Une fois les thèmes prioritaires identifiés, les participants se répartissent à nouveau dans les ateliers. A ce stade, il s’agit d’aboutir à un plan d’action pour chaque thème ; ainsi, les participants définissent, précisent, complètent… les actions et les solutions concrètes à mettre en œuvre.

Des groupes de mise en œuvre et de suivi des plans d’action sont créés, et poursuivent ainsi la dynamique initiale du forum.


Bénéfices


Même si elle est encore à ce jour moins pratiquée en France que dans les pays anglo-saxons, la méthodologie open space dispose de nombreux retours d’expérience[6]. Ceux-ci mettent en avant plusieurs bénéfices de cette méthodologie pendant le forum, et sur la dynamique individuelle et collective qui en ressort post-événement.


Pendant le forum, les participants notent en majeure :

  • une mise en mouvement et une concentration rapides du groupe sur le thème central choisi. La méthode permet d’aboutir assez rapidement à de nombreuses idées et propositions par la création d’un espace d’échange auto-organisé ;

  • une libération de la parole. Elle est permise par la liberté laissée au groupe de proposer des thèmes de travail à partir du thème central, par son auto-organisation, mais aussi par une certaine abolition des barrières hiérarchiques et des jeux de pouvoir, chaque membre du groupe, de la direction aux employés, étant d’abord et avant tout un participant au forum, invité à contribuer aux thèmes par sa capacité à analyser, à questionner, à proposer, et non en raison de son positionnement hiérarchique dans l’organisation. Dans les faits, cette libération de la parole n’engendre pas un déversoir de plaintes, de reproches ou de revendications, qui sont souvent une bonne part des craintes initiales des dirigeants, mais elle s’exerce dans une attitude constructive, le groupe étant concentré sur un thème central majeur pour lui et l’organisation ;

  • l’abolition des silos, les métiers, les niveaux hiérarchiques, les directions, les zones géographiques… se mélangeant d’emblée et circulant entre les thèmes ;

  • l’expression de thèmes nouveaux ou décalés[7], que le groupe fait émerger souvent à sa grande surprise.

Post-événement, les participants décrivent très souvent une expérience nouvelle, inattendue. Ils mettent en avant :

  • un surcroît de motivation, né des échanges collectifs qui stimulent, rapprochent et inscrivent les participants dans un apprentissage mutuel, chacun étant dans une attitude de « gain » et de « don », d’apport aux autres et d’enrichissement par les autres. Cette motivation provient aussi de ce que les thèmes de travail émanent du groupe, ce qui rompt, selon les organisations, avec la pratique de thèmes trop souvent imposés du haut ;

  • la responsabilisation des personnes, les thèmes retenus comme prioritaires étant souvent pris en main, traités puis mis en œuvre par ceux qui les ont proposés[8] ;

  • la confiance qui leur est témoignée dans un forum où ils sont les uniques acteurs pour traiter le thème central. Les participants se sentent totalement parties prenantes du groupe, de l’organisation, et de sa réussite, qui est aussi la leur ;

  • une plus grande cohésion entre les personnes et le décloisonnement de l’organisation, nés des échanges collectifs, sur un mode ouvert et direct, que le forum permet entre les participants, puis par la mise en œuvre des plans d’action qui, très souvent, continuent d’impliquer des participants de métiers, de niveaux hiérarchiques, et de directions divers.

Points de vigilance et conditions de réussite


Les témoignages recueillis sur la mise en œuvre de la méthode open space nous permettent d’identifier plusieurs points de vigilance ou conditions de succès à respecter.


L’appropriation de la méthode par la hiérarchie, et son soutien fort et constant


Selon les organisations, l’open space peut modifier, parfois fortement, le rôle des managers, leurs pratiques, et les équilibres de pouvoir. Le forum ouvert mise sur l’intelligence du groupe, et les managers doivent jouer le jeu de cette intelligence. Cela signifie qu’il leur faut adopter avant tout une attitude de facilitation des échanges et d’ouverture. Ils doivent accepter de se laisser surprendre par ce qui surgit du groupe, et que, bien souvent, ils n’anticipent pas totalement. S’il est important qu’ils contribuent à part entière aux débats, jouant en cela le même rôle que tout autre membre du groupe, il leur faut garder en tête que leur position hiérarchique n’est pas anodine et que ce qu’ils disent n’est nécessairement pas perçu de la même façon qu’un autre membre du groupe : ils doivent donc s’efforcer de respecter un équilibre entre l’intervention directe et l’écoute, entre l’influence sur le groupe et la capacité à se laisser convaincre. Ils doivent savoir faire preuve de réserve, notamment lorsque les échanges au sein du groupe sont d’une grande intensité et ouvrent des pistes qu’une intervention trop rapide et directe de leur part pourrait tuer dans l’œuf.


Au fond, avec le forum ouvert, les managers sont conduits à partager une partie de leur pouvoir avec le groupe. Ils sont amenés à abaisser leur posture hiérarchique dans les interactions qu’ils ont avec lui. Ils savent d’ailleurs combien l’excès d’une telle posture nuit à la dynamique de l’open space, jusqu’à l’empêcher. Il ne leur est pas demandé de l’abandonner mais de l’utiliser à bon escient, en pratique aux moments clés où le processus d’échange peut nécessiter des validations ou des arbitrages (notamment dans la phase de priorisation des thèmes puis, après le forum, dans la mise en œuvre des plans d’action). En dehors de ces moments, il leur faut être d’abord au service de l’intelligence collective, dont ils sont persuadés qu’elle produit une valeur, en niveau et en durée, supérieure aux seules initiatives individuelles.


Pour réussir ces inflexions dans leur rôle et dans leurs pratiques, il est essentiel que les managers s’approprient la méthode. Cette appropriation est d’autant plus forte qu’ils ont pu eux-mêmes l’expérimenter avant de la pratiquer avec leurs équipes. Cette expérimentation leur permet d’appréhender concrètement les bénéfices du forum ouvert, mais aussi les points de vigilance et les conditions de succès à avoir clairement à l’esprit. Sans cette appropriation concrète, le risque est grand que les managers reviennent à leurs habitudes, voire les renforcent, car ils n’auront pas suffisamment pris conscience de la nécessité de ces inflexions, ni ne se seront suffisamment engagés eux-mêmes dans des changements concrets[9].


L’appropriation de la méthode par les managers est enfin la meilleure garantie qu’ils facilitent, après le forum, la réalisation des plans d’action. De retour sur le terrain, il leur faut s’assurer que le groupe dispose bien des moyens nécessaires (humains, matériels, en temps), sur lesquels la méthode leur demande de s’engager, au moins sur le principe. On note que moins les organisations sont collaboratives, plus il est utile de rappeler les principes du forum ouvert et l’engagement concret des managers à faciliter les plans d’action après le forum…


Une vision claire du degré de complexité de la problématique, et du « besoin d’intelligence collective »


Nous avons indiqué les contextes et les grands types de problématiques auxquelles cette méthode est surtout destinée. Le forum ouvert est pertinent quand la problématique posée est difficile, nécessite de se dégager des solutions connues et des habitudes, et suppose pour le groupe et l’organisation un apprentissage. A l’inverse, cela signifie que cette méthode n’est pas recommandée, voire s’avère contre-productive, si la résolution de la problématique est connue et obéit à des actions claires[10].


Un thème central à fort enjeu, motivant et impliquant


Pour être complexe, le thème central, souvent exprimé sous la forme d’une question, n’en doit pas moins être motivant et constituer un enjeu réel pour les participants et l’organisation. Il s’agit là d’une condition essentielle qui peut, à elle seule, provoquer l’échec d’un forum.


Un cadre d’échange qui reflète l’esprit et les principes de la méthode


L’open space suppose un cadre d’animation et d’échange qui soit le reflet de sa philosophie et de ses principes.


Le forum nécessite une durée minimale et continue, qui peut aller, selon la taille de groupe, d’une demi-journée à plusieurs jours, une durée de 2 jours constituant un bon repère pour un groupe de plusieurs dizaines de personnes. Cette durée minimale et continue permet la montée en puissance du groupe, qui doit avoir le temps de circuler pour qu’il y ait une bonne fertilisation des idées et des points de vue, mais aussi d’échanger et de creuser les idées pour qu’il en ressorte des propositions et plans d’action concrets.


La mobilité des participants, ainsi que la possibilité qui doit leur être laissée de « stationner » s’ils le souhaitent sur tel ou tel thème, sont aussi des conditions de succès importantes du forum. Il faut ainsi un espace suffisamment ouvert et large pour permettre à la fois la libre circulation du groupe, son auto-organisation, et des lieux fonctionnels destinés au regroupement des participants par thème.


Enfin, il est essentiel de prévoir les ressources nécessaires au centre d'information, utile à deux titres :

  • en récapitulant et en centralisant l'ensemble de la production du groupe, le rapport permet, pendant le forum, de prioriser les thèmes. Après le forum, même si l'organisation se concentre sur les thèmes prioritaires, elle a tout intérêt, en s'appuyant sur des participants, à analyser le rapport et à en trier le contenu dans la mesure où une foule d'idées exploitables s'y trouvent à coup sûr ;

  • le rapport permet aussi de valoriser la production du groupe et montre combien la mise en commun des énergies et des idées permet à un groupe de produire vite sur un nombre important de thèmes. Le rapport est ainsi un premier résultat concret de l'intelligence collective dont le forum cherche à tirer le meilleur parti.

Une mobilisation à entretenir subtilement après le forum


Le forum crée un moment d’une grande intensité, souvent vécu de façon enthousiasmante par les participants, d’un coup projetés dans un cadre où sont abolies un certain nombre des contraintes dont ils font souvent l’expérience quotidiennement (gestion des urgences et des contraintes opérationnelles qui interrompent souvent l’activité, multiplicité des tâches quotidiennes qui morcelle la journée et laisse peu de plages continues au traitement de sujets de fond…). L’énergie communiquée et acquise est forte et, bien souvent, met les participants dans les starting blocks à l’issue du forum.


De retour sur le terrain, notamment lorsque l’open space a été pratiqué pour la première fois, la question qui se pose est celle de la poursuite, voire de l’amplification, de la dynamique créée. Il est essentiel que les thèmes prioritaires soient rapidement pris en main par les porteurs et les contributeurs volontaires, pour capitaliser sur l’envie éprouvée au cours du forum. Ces acteurs doivent également définir la façon dont ils vont travailler, s’organiser, et communiquer, en continuant d’expérimenter le principe de l’auto-organisation.


C’est là que le rôle des managers peut être subtil : il leur faut jouer le jeu de l’auto-organisation des groupes travaillant sur les thèmes, sans pour autant que ces groupes ne deviennent des boîtes noires, qui fonctionneraient en vase clos et s’affranchiraient de toutes contraintes extérieures, ce qui peut être une tentation chez certains groupes dans les organisations novices. Les managers ont donc intérêt, par exemple, à communiquer clairement sur leur besoin légitime de connaître l’avancement des plans d’action. Il leur faut discuter avec les groupes des modalités nécessaires, sans y mettre un formalisme et une lourdeur excessifs, qui les décourageraient.


Les managers ont aussi intérêt à bien avoir à l’esprit que, si la méthode vise à l’auto-motivation des groupes, celle-ci n’est pas simple à produire dans la durée lorsque le quotidien et son lot de contraintes refont surface. Il est nécessaire à la fois de créer les conditions propices à la motivation des groupes et de trouver les moyens de « mettre de l’énergie dans le système », sans commettre l’erreur de prendre la main sur les thèmes et les plans d’action, ce qui irait à l’inverse de l’esprit de la méthode. Pour ce faire, les managers ont intérêt à être réactifs face aux demandes ou aux besoins de conseils des groupes pour montrer ainsi l’intérêt qu’il porte à leurs travaux[11]. Pratiquer un management de la porte ouverte, permettant aux porteurs de solliciter le plus simplement possible l’aide ou les conseils des managers, est important. Il est aussi utile de s’intéresser aux travaux des groupes, de valoriser leur avancement, leurs résultats, leur utilité pour l’organisation, par exemple par une communication régulière et/ou une contribution financière.


En synthèse


La méthode open space peut porter sur un grand nombre de problématiques. Le thème central étant choisi, la philosophie, les principes et les modalités de la méthode sont clairs et stables, et tout forum s’organise et s’anime à partir de ces mêmes principes. De cette façon, la méthode est facilement reproductible pour une organisation, qui peut dès lors bénéficier d’un effet d’expérience lui permettant, avec la pratique, de l’utiliser de plus en plus efficacement, et d’en adapter la mise en œuvre[12].


On voit également que le forum ouvert pousse très loin la participation et considère chaque membre du groupe comme un acteur à part entière de l’organisation, détenant une partie des solutions, et capable de la faire progresser.


Mais au-delà, par la mise en commun des facultés, des connaissances, des expériences de chacun, le forum ouvert cherche à maximiser les intelligences individuelles et, par la combinaison de ces intelligences, à produire une intelligence collective plus riche et plus porteuse pour l’organisation. Dès lors, par l’intelligence qu’il produit, c’est le groupe qui devient l’acteur clé de l’organisation et des changements à réaliser.


Ce point est essentiel à la réussite des démarches que mène notre cabinet pour faire évoluer la culture, les fonctionnements et les comportements des organisations. En effet, pour réussir ces démarches, il faut faire en sorte que celles-ci soient portées par une masse suffisamment critique d’acteurs au sein de l’organisation. Plus elles sont portées et soutenues collectivement, plus elles ont de chances de se concrétiser et de s’ancrer dans la durée.


Or, précisément, la méthode open space met en mouvement les groupes et génère un effet de masse. Par la mobilisation d’acteurs nombreux, les plans d’action décidés au cours du forum sont beaucoup plus difficiles à freiner, voire à annihiler par le poids des résistances qui sont inhérentes à tout changement[13]. Le groupe produit aussi une force d’entraînement à même de rallier après le forum ceux qui resteraient à l’écart.


La méthode provoque enfin une mobilisation endogène : les changements sont portés prioritairement non pas par des intervenants extérieurs (experts, prestataires, consultants…) mais par le groupe lui-même, qui choisit, construit et met en œuvre les thèmes qu’il juge prioritaires ; ceci est un facteur très important de réussite du changement pour toute organisation, dans la mesure où celle-ci le fait d’abord reposer sur elle-même et ses propres forces.


[1] Nous prenons cette image dans la mesure où le forum concentre un groupe de personnes en un lieu et pendant un temps définis, avec l’objectif est de produire une explosion d’idées, de propositions, de solutions.

[2] A l’initiative de Harrison Owen, auteur de la méthode.

[3] Ces questions peuvent être très diverses. Elles peuvent porter tout aussi bien sur la modernisation de la formation, l’amélioration du dialogue social, le renforcement de la sécurité, l’amélioration des processus d’innovation, la conquête de nouveaux clients, etc.

[4] “If the group is deeply involved in the issue at hand and excited by the possibilities, that involvement and excitement are contagious, and others will soon join in. Even if the technical expertise present is not of the highest order, a committed group will find the needed expertise” in Owen, H. (2008). A brief user’s guide to open space technology. Récupéré de : http://www.openspaceworld.com/users_guide.htm

[5] Bien entendu, le forum a toujours une durée prédéterminée et les groupes usent de cette latitude d’horaires dans ce cadre général. L’expérience montre que l’auto-organisation du groupe est efficace : plus les groupes avancent sur les différents thèmes, plus ils se régulent mutuellement (notamment par l’effet de la loi des deux pieds). Au bout du compte, les porteurs et les contributeurs savent évaluer la dynamique qu’il y a sur leurs thèmes, et décider du moment où, « quand c’est fini, c’est fini ».

[6] N’hésitez pas à me contacter pour en savoir plus.

[7] La diversité des participants, leur concentration en un lieu et pendant un temps définis, sont propices à l’expression d’idées ou de thèmes nouveaux, qui émergent plus difficilement dans le flux de l’activité quotidienne, souvent contrainte par l’opérationnel.

[8] On retrouve a minima les porteurs de thèmes, et souvent des participants qui ont été actifs sur les thèmes lors du forum. Après le forum, chaque participant peut privilégier le ou les thèmes de son choix, voire décider de se retirer. L’autorégulation du groupe s’exerce et il est très rare que des thèmes prioritaires manquent de bras.

[9] Ce risque de renforcement des habitudes après coup est réel dès lors que les comportements nouveaux ne sont dus qu’à une motivation extrinsèque (circonstances, stimuli extérieurs qui occasionnent un changement de comportement souvent rapide mais qui ne dure en général que le temps où s’exercent ces stimuli). Pour qu’un comportement change réellement et durablement, il faut chez la personne une conscience claire des limites ou des inconvénients de son comportement actuel pour lui et pour les autres, des bénéfices qu’il peut retirer à changer, des résistances à dépasser, et bien sûr, savoir concrètement comment faire et s’engager.

[10] En effet, si le chemin est balisé, inviter un groupe à la créativité risque de générer chez lui incompréhension, sentiment d’inutilité et frustration, qui sont des facteurs de démobilisation.

[11] Ce qui n’exclut pas l’analyse de ces demandes ou besoins ni ne suppose que le management doive nécessairement les reprendre tous à leur compte.

[12] Avec l’expérience, toute organisation identifie ses propres « ficelles » qui peuvent améliorer, fluidifier la pratique de l’open space dans son propre contexte. Cela peut porter par exemple sur la formulation du thème central, le choix des participants, l’organisation de l’espace dans le forum…, mais aussi sur la meilleure façon d’exploiter le rapport, l’animation et le suivi des plans d’action, l’entretien de la dynamique créée par le forum…

[13] Les résistances bien connues sont le poids des habitudes, la remise en cause des rôles et des pouvoirs, mais aussi le déficit de méthodes et de savoir-faire dont peuvent pâtir les acteurs pour mettre en œuvre et ancrer le changement.


bottom of page